Excellent. À lire lentement : un long voyage à pas de fourmi (ou de Fiat Topolino) jusqu'à la passe de Khyber ça prend du temps (un an et demi), alors il faut prendre son temps.

Photo d'archive en noir et blanc. La Fiat Topolino, immatriculée à Genève, sur la route d'Ankara. On voit la voiture de l'arrière, le capot est ouvert et Thierry Vernet est retourné le siège passager, il regarde l'objectif. Deux valises sont attachée sur la roue de secours. La piste de gravillons s'étend jusqu'à l'horizon au pied de collines arides.

Ça prend du temps mais ce n'est pas de tout repos. Bouvier et Vernet quittent l'Europe avec de l'argent pour quelques mois seulement. Sur la route ils travaillent — Vernet expose ses peintures, Bouvier vend des articles et donne cours et conférences — et vivent frugalement.

Dans le récit, écrit à son retour à Genève et publié dix ans après le voyage, Bouvier raconte la route, mais surtout les histoires des personnes qu'il y rencontre. C'est une narration très effacée, Bouvier paraît presque détaché, mais à ce qu'on lit on comprend qu'il est au contraire extrêmement proche de son sujet — il lui donne simplement la place qu'il mérite, se contentant du second plan. C'est poétique, on voit les visages et les paysages, on entend la musique.

Il y a aussi une certaine nostalgie quand on pense que le voyage a eu lieu il y a 70 ans, et qu'il serait impossible à l'ère de la globalisation. Le monde de Bouvier est un monde révolu. Il nous en reste ce magnifique témoignage.

9/10